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Publicités invisibles : L’accessibilité audiovisuelle encore oubliée

Rédigé par Marie Guéry | 27 novembre 2024 à 12:00

L’ère des Smart TV a transformé l’accès aux contenus audiovisuels, offrant des possibilités inégalées grâce aux avancées technologiques. Ces appareils connectés facilitent l’expérience télévisuelle, notamment pour les personnes en situation de handicap, grâce à des fonctionnalités comme l’audiodescription, qui permet aux malvoyants de suivre des programmes avec une narration détaillant ce qui se passe à l'écran.

Pourtant, malgré ces progrès technologiques notables, un constat alarmant émerge du rapport 2023 de l’ARCOM : si l’audiodescription se développe lentement mais sûrement dans les programmes télévisés, son adoption dans les spots publicitaires reste remarquablement marginale.

Que dit la loi ?

La loi du 11 février 2005, visant l’égalité des droits et des chances, impose aux chaînes de télévision des obligations d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. En effet, les programmes doivent être rendus accessibles aux personnes sourdes ou malentendantes par le biais du sous-titrage et aux personnes aveugles ou malvoyantes grâce à l’audiodescription.

Cependant, une exception majeure persiste : ces obligations légales ne s’appliquent pas aux publicités.

Les grandes chaînes : des bons élèves de l’accessibilité ?

Les grandes chaînes françaises se démarquent par leurs efforts en matière d'accessibilité. En 2023, TF1 a diffusé 325 programmes audiodécrits, M6 en a proposé 398, et France Télévisions a enrichi son offre avec des contenus audiodécrits, traduits en langue des signes et sous-titrés. Cet engagement, soutenu par des quotas stricts et une réglementation exigeante, témoigne de progrès significatifs pour un public en quête de représentations inclusives. Cependant, cet élan ne se retrouve pas chez tous les acteurs.

En dehors des leaders, la situation est plus contrastée : moins de 2 % des contenus sur certaines plateformes numériques sont audiodécrits. Si des séries phares comme Lupin sur Netflix bénéficient de l’audiodescription, de nombreux documentaires et programmes confidentiels restent inaccessibles. Les chaînes thématiques, notamment celles spécialisées dans les documentaires ou les programmes jeunesse, accusent également un retard, limitant l’accès à des contenus variés pour une part significative de la population.

Accessibilité télévisuelle : des fonctionnalités encore sous-exploitées

Bien que les Smart TV regorgent de fonctionnalités dédiées à l’accessibilité, une méconnaissance généralisée limite leur utilisation. Pourtant, ces outils pourraient grandement améliorer le quotidien de nombreuses personnes :

  • Sous-titres intelligents : Disponibles pour les personnes sourdes ou malentendantes, mais aussi utiles dans des environnements bruyants, ils sont souvent activables en un clic. Malgré cela, un grand nombre des utilisateurs ne savent pas qu’ils existent ou comment les activer.
  • Audiodescription : Intégrée dans de nombreux modèles, elle reste difficile à trouver, parfois enfouie dans des menus complexes. Cette barrière technique freine l’autonomie des personnes malvoyantes, qui devraient pouvoir y accéder sans difficulté.

Paramètres visuels personnalisés : Taille des sous-titres, contraste et luminosité ajustables sont autant de fonctionnalités cruciales pour les personnes ayant une déficience visuelle ou des troubles de la perception des couleurs. Pourtant, ces options restent rarement mises en avant dans les guides ou les campagnes des fabricants.

 

Les défis identifiés par l’ARCOM : un chemin encore à parcourir


Le rapport 2023 de l’ARCOM met en évidence des défis importants concernant l’accessibilité des contenus audiovisuels. Si des progrès sont réalisés, notamment avec l’obligation pour les grandes chaînes de sous-titrer l’ensemble de leurs programmes, des lacunes persistent. Par exemple, bien que les chaînes comme France 2 et France 4 respectent les normes, elles n’atteignent pas encore un sous-titrage parfait, et des chaînes à audience modeste peinent à atteindre des niveaux de conformité satisfaisants. De plus, l’audiodescription, essentielle pour les personnes aveugles ou malvoyantes, est encore trop rarement présente.
Mais une question importante demeure : pourquoi le rapport de l’ARCOM ne mentionne-t-il pas l’accessibilité des publicités ? En effet, si les chaînes respectent certaines obligations légales, les spots publicitaires restent largement exclus de ces exigences. Pourtant, ces contenus visuels et audio ont un impact majeur, véhiculant des messages essentiels. L’inaccessibilité des publicités représente-t-elle une négligence d’un secteur clé dans l’inclusion des personnes en situation de handicap ?

La publicité : l’angle mort de l’accessibilité

Les publicités, omniprésentes dans notre quotidien, restent largement inaccessibles aux personnes en situation de handicap. En effet, elles sont souvent dépourvues de sous-titres ou d’audiodescription, rendant leur contenu invisible ou incompréhensible pour de nombreuses personnes. Pourtant, leur rôle dépasse largement le simple marketing : elles diffusent des informations essentielles et véhiculent les valeurs des marques.


Prenons un cas concret : une publicité pour un produit technologique innovant ou une campagne mettant en avant l'engagement écologique d’une entreprise. Si ces contenus ne sont pas accessibles, une personne en situation de handicap sera exclue du message. Cette exclusion a un double impact : d’une part, elle limite l’accès de ces publics à des informations qui pourraient leur être utiles, et d’autre part, elle réduit l’opportunité pour les marques de toucher une audience plus large.


Pourquoi investir dans l’accessibilité des publicités ?

  1. Un levier de fidélisation : Selon une étude menée par Accenture, environ 62 % des consommateurs préfèrent acheter auprès d’entreprises inclusives et diversifiées. Rendre les publicités accessibles permet donc de renforcer l’image de marque et de fidéliser une clientèle attachée aux valeurs d’inclusion.
  2. Un potentiel commercial : Ce chiffre grimpe encore avec le vieillissement de la population, qui entraîne souvent des besoins spécifiques en termes d'accessibilité. En incluant ces personnes dans les campagnes publicitaires, les entreprises s’ouvrent à un marché encore trop souvent négligé, tout en répondant aux attentes croissantes d’une société plus inclusive.
  3. Des obligations légales croissantes : En France, la loi impose déjà des normes d’accessibilité pour les contenus audiovisuels diffusés à la télévision. Étendre ces obligations à la publicité pourrait être la prochaine étape pour garantir une communication équitable.

Des solutions existent

  1. Sous-titres dynamiques : Ils peuvent être facilement intégrés dans les publicités vidéo, avec des options pour s’adapter aux styles ou aux préférences des utilisateurs.
  2. Audiodescription succincte : Une narration adaptée peut inclure les informations clés tout en respectant la durée limitée des publicités.
  3. Campagnes multicanaux : Proposer des formats accessibles via les réseaux sociaux ou les plateformes de streaming augmente les chances de toucher un public diversifié.


En investissant dans des solutions d’accessibilité, les marques ne se contentent pas de répondre à des exigences techniques : elles s’engagent activement pour une société plus inclusive, tout en renforçant leur impact auprès de leurs clients.
De plus, les sous-titres bien, que souvent perçus comme une solution dédiée aux personnes malentendantes, offrent une valeur ajoutée universelle. En mobilité, dans des environnements bruyants comme les transports en commun ou les cafés, ou encore pour les utilisateurs non francophones, ils garantissent une meilleure compréhension des messages. De même, l’audiodescription permet de toucher un public plus large, en rendant les informations visuelles accessibles à ceux qui en sont privés.

L’exemple de M6 Publicité

En 2023, M6 Publicité a marqué une avancée notable en proposant un service gratuit de sous-titrage pour ses annonceurs. Cette initiative, bien que pionnière, ne représente qu’une première étape. L’ambition affichée d’étendre cette démarche à l’audiodescription d’ici 2025 témoigne d’une volonté d’innover, mais elle met aussi en évidence le retard général du secteur publicitaire en matière d’accessibilité. À ce jour, moins de 1 % des publicités télévisées sont audiodécrites, soulignant l'ampleur du chemin à parcourir pour une communication réellement inclusive.

 

Une mobilisation nécessaire

L'initiative de M6 Publicité, bien qu’encourageante, illustre une démarche encore isolée. Une généralisation des pratiques accessibles au sein de l’ensemble des régies publicitaires, notamment celles des grandes chaînes et plateformes numériques, est essentielle pour répondre aux attentes des consommateurs. Les acteurs du secteur doivent saisir cette opportunité non seulement pour améliorer l’expérience utilisateur, mais aussi pour renforcer leur responsabilité sociale et leur image de marque.

La question reste ouverte : la publicité deviendra-t-elle un vecteur d’inclusion ? Avec la technologie déjà prête et les attentes de millions de Français, il est temps que l’ensemble des acteurs du marché se mobilisent pour faire de l’accessibilité une norme, et non une exception.