Comment la notion d’accessibilité numérique s’est-elle imposée sur la scène internationale ? Quel rôle joue l’Union Européenne en tant qu’entité favorisant les droits et l’égalité des chances pour tous ? De quelle façon la France a défini ses lois handicap et sa mise en œuvre ?
Voici un état des lieux des avancées juridiques et politiques, en Europe et en France, et un rappel des obligations en termes d’accessibilité numérique.
Le World Wide Web consortium ou W3C a été créé en 1994 juste après la naissance d’Internet afin de développer des standards internationaux pour le web.
Composé d’expertises internationales publiques et privées, le W3C s’est imposé comme le seul acteur garant du respect de ces normes pour un Web universel.
Voici les principes qui le définissent :
Le premier principe mais aussi le plus important est l’accès au Web pour tous, quels que soient leur matériel, leurs logiciels, leur infrastructure réseau, leur langue maternelle, leur culture, leur situation géographique ou leurs capacités physiques ou mentales.
Parce qu'en l'espace de quelques années, le nombre d'appareils différents pouvant accéder au Web a énormément augmenté :
Le Web a été inventé en tant qu'outil de communication destiné à permettre à chacun, où qu'il se trouve, de partager des informations.
Le Web est un immense réseaux de données mais aussi un ensemble de services mis à notre disposition.
Parce que le Web ne cesse de transformer notre façon de communiquer et d’interagir ensemble à mesure que l’offre des services augmente.
Dans le but de faire partager sa vision, Le W3C s’est appuyé sur la WAI. La Web Accessibility Initiative (WAI) est un groupe de travail dont les actions portent sur :
Les Web Content Accessibility Guidelines sont des recommandations techniques.
Ces préceptes sont eux-mêmes retranscrits en critères de succès qui permettent de remplir les exigences de conformité divisées en trois niveaux :
Les standards d’accessibilité WCAG s’articulent autour de 4 principes :
Depuis juin 2018, les WCAG sont passées de la version 2.0 à la version 2.1 pour s’adapter aux nouveaux usages. 17 critères qui concernent les interfaces mobiles, les aides vocales, les problèmes de malvoyance, et certains problèmes cognitifs, ont été introduits.
Nous l’avons vu, le W3C est initiateur du mouvement et sa légitimité au regard de l’application de ses recommandations n’est plus à faire. Néanmoins, qu’en est-il au niveau politique et juridique ? Nous allons nous intéresser de plus près à l’Union Européenne.
Dans les années 90, aucun cadre légal n’oblige les institutions et les entreprises privées à appliquer ces standards. La « charte » W3C soulève déjà des questions de droit universel mais il faut attendre que l’Union Européenne s’empare du sujet pour voir apparaître les premiers textes fondateurs.
La construction de l’Europe a débuté suite à la fin de la seconde guerre mondiale, essentiellement sur des enjeux économiques. Plusieurs traités ont été ratifiés pour sceller ainsi la collaboration commerciale entre pays.
Ce n’est qu’avec la charte des droits fondamentaux, proclamée en décembre 2000, que l’on voit apparaître la notion de discrimination fondée sur le handicap.
Ce texte se réparti en 3 axes :
"L’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d'égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l'Etat de droit. Elle place la personne au cœur de son action en instituant la citoyenneté de l'Union et en créant le principe de liberté, de sécurité et de justice".
Annexée au Traité de Lisbonne, sa portée juridique devient plus forte pour les signataires de ce texte. Mais plusieurs points négatifs sont à retenir :
En 2009, la Convention des Nations Unis, relative aux droits des personnes handicapées, est le premier outil juridiquement contraignant à être adopté et ratifié par l’UE.
Celui-ci définit des standards minimaux à respecter quant aux droits des personnes handicapées.
L’Europe poursuit ses efforts et souhaite remettre l’humain au cœur de son action. En 2010, la Commission Européenne lance la stratégie européenne 2010-2020. Cette stratégie vise à s’attaquer à plusieurs thèmes majeurs des valeurs portées par l’UE :
Cette stratégie se traduit à travers l’adoption de plusieurs mesures en matière de normalisation des règles des marchés publics pour rendre tous les biens et services accessibles aux personnes handicapées. Avec elle, L’Europe s’engage dans une politique inclusive, mettant au centre de ses préoccupations les populations en situation de handicap.
Cette stratégie vise principalement les aspects de la vie de tous les jours, comme par exemple l’accessibilité des personnes dans les lieux publics, notamment les transports, mais ne s’attarde pas sur l’accessibilité numérique.
Il faudra attendre 2016 avec la Directive européenne “Accessibilité numérique » du Parlement et du Conseil Européen pour que le web soit enfin mis au cœur des enjeux citoyens.
Cette Directive est relative à la mise en accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public.
L’objectif est de constituer un marché unique de la prestation de services en matière d’accessibilité numérique au sein de l’Union, afin de faciliter le recours à de tels opérateurs par les organismes publics, et à terme, améliorer l’accessibilité globale des services publics en ligne en Europe.
Voici les dispositions qui la constituent selon la Direction Interministérielle du Numérique et du Système d’Information et de Communication de l’Etat :
Chaque État membre est responsable de sa transposition au niveau local avant le 23 septembre 2018.
Comment la reconnaissance des personnes handicapées se traduit-elle en France ? Quelle a été la mise en application française de cette Directive européenne ?
La directive va s’appliquer concrètement à travers 3 situations :
La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, complète la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des chances.
L’article 106 étend son périmètre initial. Désormais, cette loi s’adresse aussi :
Cette loi établit des sanctions financières qui seront appliquées par décret en cas de manquement de conformité sur :
Malheureusement, ce Décret « accessibilité numérique » est toujours en attente à l’heure actuelle.
La loi du 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, repose sur quatre piliers :
Le Référentiel Général d’Accessibilité pour les Administrations est la mise à disposition d’un guide d’application des recommandations WCAG.
Il répond à l’article 47 de la loi 2005 : « Les services de communication publique en ligne des services de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées.
L'accessibilité des services de communication publique en ligne concerne l'accès à tout type d'information sous forme numérique quels que soient le moyen d'accès, les contenus et le mode de consultation. Les recommandations internationales pour l'accessibilité de l'internet doivent être appliquées pour les services de communication publique en ligne. […] »
Le RGAA se divise en plusieurs parties distinctes :
Il en est actuellement à sa version 3.0 qui est une version adaptée du référentiel AccessiWeb HML5/ARIA.
Les Arrêtés révisant la partie « guide d’accompagnement » et précisant le contenu du schéma pluriannuel/mentions obligatoires ne sont pas encore sortis.
Adopté en août 2018, le projet de loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel présente des mesures phares autour de l’emploi, du chômage, du compte personnel de formation, de l’apprentissage, mais pas seulement.
Il intervient aussi sur le champ de l’accessibilité numérique ? Mais pour quels bénéfices ?
L’objectif est double :
Son champ d’application est élargi aux groupements d’intérêts publics mais exclut certaines ONG et les diffuseurs.
Des nouveautés sont introduites :
(La norme européenne EN 301 549 "Exigences d'accessibilité pour les produits et services TIC" est mise à jour afin d'adopter les lignes directrices pour l'accessibilité des contenus Web (WCAG 2.1).
Contrairement aux pays tels que les USA ou le Canada, les risques encourus sont encore trop timides pour faire avancer ce débat éthique dans les mentalités. Certes les lois françaises autour du numérique n’ont cessé de fleurir ces derniers mois mais le résultat n’est pas à la hauteur de nos espérances.
Car la véritable question ne réside pas dans la problématique d’accessibilité de mon site Internet, mais bien, Les personnes handicapées valent-elles moins que moi ?
L’accessibilité numérique est un droit et il est aujourd’hui inacceptable que celui-ci soit bafoué dans un “Etat de droit”. A l’heure où la France prend position sur la scène internationale pour défendre la liberté d’expression, qu’en est-il est du respect des droits de ses citoyens ?