Accessibilité Loi

Etat des lieux de la législation européenne et française sur l'accessibilité numérique

Par Moïse Akbaraly, le 26 octobre 2018 à 12:30

Comment la notion d’accessibilité numérique s’est-elle imposée sur la scène internationale ? Quel rôle joue l’Union Européenne en tant qu’entité favorisant les droits et l’égalité des chances pour tous ? De quelle façon la France a défini ses lois handicap et sa mise en œuvre ?

Voici un état des lieux des avancées juridiques et politiques, en Europe et en France, et un rappel des obligations en termes d’accessibilité numérique.

Accessibilité numérique : 6 bonnes pratiques pour être en conformité.  Ouverture dans une autre page, Téléchargez le guide

Les standards d’accessibilité web et le W3C

Le World Wide Web consortium ou W3C a été créé en 1994 juste après la naissance d’Internet afin de développer des standards internationaux pour le web.

Composé d’expertises internationales publiques et privées, le W3C s’est imposé comme le seul acteur garant du respect de ces normes pour un Web universel.

Les piliers du W3C

Voici les principes qui le définissent :

Le Web pour tous :

Le premier principe mais aussi le plus important est l’accès au Web pour tous, quels que soient leur matériel, leurs logiciels, leur infrastructure réseau, leur langue maternelle, leur culture, leur situation géographique ou leurs capacités physiques ou mentales.

Le Web pour tous les supports :

Parce qu'en l'espace de quelques années, le nombre d'appareils différents pouvant accéder au Web a énormément augmenté :

  • Tablette,
  • Smartphone,
  • Kindle,
  • Desktop,
  • Système de télévision interactive,
  • Assistants vocaux, …

Le Web pour une interaction riche :

Le Web a été inventé en tant qu'outil de communication destiné à permettre à chacun, où qu'il se trouve, de partager des informations.

Le Web de la data et des services :

Le Web est un immense réseaux de données mais aussi un ensemble de services mis à notre disposition.

Le Web de la confiance :

Parce que le Web ne cesse de transformer notre façon de communiquer et d’interagir ensemble à mesure que l’offre des services augmente. 

Dans le but de faire partager sa vision, Le W3C s’est appuyé sur la WAI. La Web Accessibility Initiative (WAI) est un groupe de travail dont les actions portent sur :

  1. Les technologies du Web
  2. Le développement de recommandations et standards (WCAG)
  3. Le développement d'outils de contrôle
  4. L'information et la formation
  5. La recherche et le développement

Image illustrant les WCAG 2.1 et les types de handicap

Qu’est-ce que les WCAG ?

Les Web Content Accessibility Guidelines sont des recommandations techniques.

Ces préceptes sont eux-mêmes retranscrits en critères de succès qui permettent de remplir les exigences de conformité divisées en trois niveaux :

  • A
  • Double A
  • Triple A

Les principes des WCAG

Les standards d’accessibilité WCAG s’articulent autour de 4 principes :

  • Perceptible : tout le monde doit être capable de voir l’information présentée
  • Utilisable : tous les utilisateurs doivent pouvoir se servir de l’interface
  • Compréhensible : l’information et le fonctionnement de l’interface doivent être compréhensibles
  • Robuste : le contenu doit être suffisamment robuste pour pouvoir être interprété de façon fiable par une variété d'agents utilisateurs, y compris les technologies d’assistance.

L’actualisation WCAG 2.1

Depuis juin 2018, les WCAG sont passées de la version 2.0 à la version 2.1 pour s’adapter aux nouveaux usages. 17 critères qui concernent les interfaces mobiles, les aides vocales, les problèmes de malvoyance, et certains problèmes cognitifs, ont été introduits.

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Les textes fondateurs

Nous l’avons vu, le W3C est initiateur du mouvement et sa légitimité au regard de l’application de ses recommandations n’est plus à faire. Néanmoins, qu’en est-il au niveau politique et juridique ? Nous allons nous intéresser de plus près à l’Union Européenne.

Dans les années 90, aucun cadre légal n’oblige les institutions et les entreprises privées à appliquer ces standards. La « charte » W3C soulève déjà des questions de droit universel mais il faut attendre que l’Union Européenne s’empare du sujet pour voir apparaître les premiers textes fondateurs.

 

La charte des droits fondamentaux

La construction de l’Europe a débuté suite à la fin de la seconde guerre mondiale, essentiellement sur des enjeux économiques. Plusieurs traités ont été ratifiés pour sceller ainsi la collaboration commerciale entre pays.

Ce n’est qu’avec la charte des droits fondamentaux, proclamée en décembre 2000, que l’on voit apparaître la notion de discrimination fondée sur le handicap.

Ce texte se réparti en 3 axes :

  • Les droits civils
  • Les droits politiques
  • Les droits économiques et sociaux

"L’Union se fonde sur les valeurs indivisibles et universelles de dignité humaine, de liberté, d'égalité et de solidarité ; elle repose sur le principe de la démocratie et le principe de l'Etat de droit. Elle place la personne au cœur de son action en instituant la citoyenneté de l'Union et en créant le principe de liberté, de sécurité et de justice".

Annexée au Traité de Lisbonne, sa portée juridique devient plus forte pour les signataires de ce texte. Mais plusieurs points négatifs sont à retenir :

  • La charte n’est pas incluse en tant que tel dans le Traité,
  • Le Royaume-Uni, la Pologne, et la République Tchèque bénéficient d’une dérogation quant à son application.

La Convention des Nations Unis

En 2009, la Convention des Nations Unis, relative aux droits des personnes handicapées, est le premier outil juridiquement contraignant à être adopté et ratifié par l’UE.

Celui-ci définit des standards minimaux à respecter quant aux droits des personnes handicapées.

 

Image illustrant l'Union Européenne et le handicap

La stratégie européenne actuelle en matière d’accessibilité et de web

L’Europe poursuit ses efforts et souhaite remettre l’humain au cœur de son action. En 2010, la Commission Européenne lance la stratégie européenne 2010-2020. Cette stratégie vise à s’attaquer à plusieurs thèmes majeurs des valeurs portées par l’UE :

  • Accessibilité
  • Egalité
  • Emploi
  • Éducation
  • Formation
  • Protection sociale
  • Santé, ...

Cette stratégie se traduit à travers l’adoption de plusieurs mesures en matière de normalisation des règles des marchés publics pour rendre tous les biens et services accessibles aux personnes handicapées. Avec elle, L’Europe s’engage dans une politique inclusive, mettant au centre de ses préoccupations les populations en situation de handicap.

Cette stratégie vise principalement les aspects de la vie de tous les jours, comme par exemple l’accessibilité des personnes dans les lieux publics, notamment les transports, mais ne s’attarde pas sur l’accessibilité numérique.

La Directive Accessibilité numérique

Il faudra attendre 2016 avec la Directive européenne “Accessibilité numérique » du Parlement et du Conseil Européen pour que le web soit enfin mis au cœur des enjeux citoyens.

Cette Directive est relative à la mise en accessibilité des sites internet et des applications mobiles des organismes du secteur public.

L’objectif est de constituer un marché unique de la prestation de services en matière d’accessibilité numérique au sein de l’Union, afin de faciliter le recours à de tels opérateurs par les organismes publics, et à terme, améliorer l’accessibilité globale des services publics en ligne en Europe.

Les axes d’harmonisation de la Directive européenne

Voici les dispositions qui la constituent selon la Direction Interministérielle du Numérique et du Système d’Information et de Communication de l’Etat :

  • Délimitation du champ de l’obligation (organismes concernés, contenus, services)
  • Possibilité de dérogation pour charge disproportionnée
  • Établissement de présomption de conformité avec les exigences en matière d’accessibilité, en cas de mise en œuvre de normes harmonisées ou, à défaut, de la norme européenne EN 301 549V1.1.2
  • Définition d’une déclaration de conformité
  • Contrôle du niveau d’accessibilité par les États membres à prévoir en vue d’un rapport triennal à la Commission européenne
  • Instance de remédiation à prévoir

Chaque État membre est responsable de sa transposition au niveau local avant le 23 septembre 2018.

Le handicap dans la législation française

Comment la reconnaissance des personnes handicapées se traduit-elle en France ? Quelle a été la mise en application française de cette Directive européenne ?

La directive va s’appliquer concrètement à travers 3 situations :

  • Le Décret en Conseil d’Etat commun pour application de l’article 106 de la loi République numérique et pour la transposition
  • La révision du RGAA
  • L’article 44 du projet « Loi Avenir professionnel »

L’élargissement de l’obligation légale d’accessibilité

La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, complète la loi du 11 février 2005 sur l’égalité des chances.

L’article 106 étend son périmètre initial. Désormais, cette loi s’adresse aussi :

  • Aux organismes affiliés secteur public
  • Et aux entreprises excédant un certain niveau de chiffre d’affaires.

Cette loi établit des sanctions financières qui seront appliquées par décret en cas de manquement de conformité sur :

  • L’affichage de la conformité ou non des sites web.
  • L’affichage du plan pluriannuel de mise en accessibilité et du plan d’actions annuel.
  • La possibilité donnée aux internautes de faire remonter toutes sortes d’anomalies et manquements au respect de ces règles.

Malheureusement, ce Décret « accessibilité numérique » est toujours en attente à l’heure actuelle.

Rappel de la loi handicap de 2005

La loi du 11 février 2005, pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, repose sur quatre piliers :

  • Une définition globale du handicap (environnementale, médicale, toutes caractéristiques, …).
  • L’instauration d’un droit à la compensation des conséquences du handicap, reposant sur « le projet de vie » de la personne handicapée.
  • L’accès aux personnes handicapées à tous les droits fondamentaux.
  • La mise en place d’une nouvelle gouvernance, associant étroitement les personnes handicapées et leurs représentants.

Le RGAA

Le Référentiel Général d’Accessibilité pour les Administrations est la mise à disposition d’un guide d’application des recommandations WCAG.

Il répond à l’article 47 de la loi 2005 : « Les services de communication publique en ligne des services de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent doivent être accessibles aux personnes handicapées.

L'accessibilité des services de communication publique en ligne concerne l'accès à tout type d'information sous forme numérique quels que soient le moyen d'accès, les contenus et le mode de consultation. Les recommandations internationales pour l'accessibilité de l'internet doivent être appliquées pour les services de communication publique en ligne. […] »

Le RGAA se divise en plusieurs parties distinctes :

  • Introduction
  • Guide d’accompagnement
  • Référentiel technique

Il en est actuellement à sa version 3.0 qui est une version adaptée du référentiel AccessiWeb HML5/ARIA.

Les Arrêtés révisant la partie « guide d’accompagnement » et précisant le contenu du schéma pluriannuel/mentions obligatoires ne sont pas encore sortis.

Le Projet « Loi Avenir professionnel »

Adopté en août 2018, le projet de loi sur la liberté de choisir son avenir professionnel présente des mesures phares autour de l’emploi, du chômage, du compte personnel de formation, de l’apprentissage, mais pas seulement.

Il intervient aussi sur le champ de l’accessibilité numérique ? Mais pour quels bénéfices ?

L’objectif est double :

  • Transposer les dispositions de la Directive européenne
  • Et maintenir les choix faits par la représentation nationale en 2016.

Les spécificités de l’article 44

Son champ d’application est élargi aux groupements d’intérêts publics mais exclut certaines ONG et les diffuseurs.

Des nouveautés sont introduites :

  • Notion de charge disproportionnée,
  • Renvoi au décret en Conseil d’Etat pour les critères de la charge disproportionnée, les contenus exemptés et les modalités de contrôle (monitoring),
  • Les sanctions sont désormais de 25 000 euros,
  • Choix des normes européennes au niveau réglementaire.

(La norme européenne EN 301 549 "Exigences d'accessibilité pour les produits et services TIC" est mise à jour afin d'adopter les lignes directrices pour l'accessibilité des contenus Web (WCAG 2.1).

 

Image illustrant la loi en matière d'accessibilité numérique

Obligation d’accessibilité : es-tu là ?

Contrairement aux pays tels que les USA ou le Canada, les risques encourus sont encore trop timides pour faire avancer ce débat éthique dans les mentalités. Certes les lois françaises autour du numérique n’ont cessé de fleurir ces derniers mois mais le résultat n’est pas à la hauteur de nos espérances.

Car la véritable question ne réside pas dans la problématique d’accessibilité de mon site Internet, mais bien, Les personnes handicapées valent-elles moins que moi ?

L’accessibilité numérique est un droit et il est aujourd’hui inacceptable que celui-ci soit bafoué dans un “Etat de droit”. A l’heure où la France prend position sur la scène internationale pour défendre la liberté d’expression, qu’en est-il est du respect des droits de ses citoyens ?

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Moïse Akbaraly

Moïse Akbaraly

Diplômé de l’ESC Rennes et de l’Open University, Moïse co-fonde Ipedis avec Jackir en 2006. Après une expérience à Londres dans la gestion d’actifs, Moïse reprend du service au sein d’Ipedis en 2012 pour diriger les équipes conseils et commerciales. Il accompagne au quotidien les clients pour améliorer l’accessibilité et faire bouger les lignes dans l’intérêt du plus grand nombre. Il réinvente la proposition de valeur pour ancrer l’accessibilité dans les enjeux d’aujourd’hui et demain. Co-fondateur et Directeur associé, il dirige les équipes Conseil, Marketing et Commerciale.

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