Le niveau de conformité d’un site web a une certaine cohérence, mais cette donnée ne répond que partiellement aux principaux enjeux de l’accessibilité numérique. Il existe en effet des zones d’ombre autour de ce que l’on appelle le taux ou niveau de conformité. Tant d’un point de vue des audits que des résultats et de l’accessibilité en soi.
Rappelons à juste titre l’enjeu majeur de l’accessibilité : la qualité de l'information transmise aux personnes en situation de handicap. Rendre accessible est avant tout une question de bon sens, au-delà du simple fait d’atteindre un score. Toutes nos explications dans cet article.
D’abord, revenons sur les obligations liées à la déclaration d’accessibilité, justificatif exigé par la loi pour démontrer la conformité à la norme de référence nationale RGAA.
Dans le cadre du décret n° 2019-768 du 24 juillet 2019 visant à rendre obligatoire l’accès équitable des services de communication au public en ligne, il existe 3 règles principales à respecter qui sont : favoriser l’accès, écouter/dialoguer et informer/rendre publiques les informations. Cette loi concerne notamment les entreprises privées générant un chiffre d’affaires annuel de 250 millions d’euros.
Suivant la troisième règle du décret - le fait d’informer et de rendre public -, il s’agit d’indiquer au public le taux de conformité de son site web et les éléments expliquant la raison des non-conformités.
Pour attester de l’accessibilité d’un site internet, 3 documents doivent être fournis :
La déclaration d’accessibilité atteste du niveau de conformité d’un site internet. Toute personne concernée propriétaire d’un site internet doit obligatoirement publier ce document en bonne et due forme avec les éléments suivants :
Bien qu’étant exigée par le décret de loi sur l’accessibilité numérique, la déclaration d'accessibilité seule ne suffit pas pour répondre aux principaux enjeux de l’accessibilité. Concevoir en se concentrant uniquement sur ce dispositif, c’est prendre le risque de pénaliser les utilisateurs, qu’ils soient en situation de handicap ou pas.
Lorsque l’on évalue un site selon les règles RGAA, on peut avoir un taux de conformité très élevé. Ce qui théoriquement est une bonne chose pour la mise en accessibilité d’un point de vue légal. Mais nous ne répondons pas vraiment aux besoins de l’individu en nous cantonnant à cette pratique.
En tant que concepteurs responsables, nous devons penser et concevoir pour l’utilisateur ; l’humain doit être au cœur de tous les projets en place, du début à la fin.
Le score obtenu lors d’un audit d'accessibilité est une donnée, un indicateur non négligeable qui apporte une vision globale du niveau de conformité d’un site web. Un site ayant un taux de conformité répondant aux critères peut néanmoins comporter une erreur d’accessibilité dès la première page qui empêche tout usage du site. Exemple : un piège au clavier, lorsque l'utilisateur ne peut pas quitter sa position actuelle.
La volumétrie n’est pas non plus prise en compte dans le score d’accessibilité : une erreur identifiée sur une page aura le même poids que la même erreur présente 100 fois sur le site.
Un seul composant invalidé peut entraîner la perte de dizaines de critères alors que le composant en question n’est pas indispensable. Au contraire, une quantité importante de critères respectés ne va pas augmenter la note.
Par exemple, un tableau présent sur une page dans les mentions légales fera perdre autant voire plus de points que des liens présents sur toutes les pages
L’importance du critère non respecté devrait être prise en compte ainsi que la possibilité de lever ce frein. La question est de savoir si c’est crucial pour la navigation des utilisateurs.
En somme, la mise en conformité par rapport aux niveaux définis, ne doit pas être un travail effectué de manière purement machinale. Encore une fois, le bon sens doit primer sur le fait de vouloir atteindre le niveau de conformité requis, ce qui n’est pas toujours réalisable. Au moins, on doit se fixer naturellement des objectifs élevés avec un réel désir de rendre le site accessible pour permettre un accès équitable au plus grand nombre.
Le taux devient aujourd’hui plus un élément de communication, voire de pression sur les équipes qu’une preuve d’un réel engagement. Il faut aussi souligner que la démarche de mise en accessibilité représente plus un atout qu’une obligation.
Le saviez-vous ? Selon une étude de l'Opiiec, 11 % seulement des ESN & ENL sont conscients des opportunités économiques liées à l’accessibilité. |
Même les experts se questionnent sur la pertinence des états de conformité qui pour rappel sont découpés en 3 sections :
Le problème ici est que les sites classés partiellement conformes peuvent être très bien accessibles. Autrement dit, 1 critère invalidé qui apparaît 1 fois dans le site fait perdre des % alors que peut être que ce critère n'est pas handicapant pour la navigation sur un site de 200 pages. De l’autre côté, un site qui ne fait qu'une page et qui est à 50 % de conformité comporte plus de risques qu'il soit non consultable.
In fine, un site à 51 % d'accessibilité et un site à 98 % d'accessibilité se retrouvent dans la même catégorie, alors qu'il y a de sérieuses différences.
En se conformant de manière stricte à la déclaration d'accessibilité, on prend le risque d’oublier ce qui est de plus important : faciliter la navigation et rendre accessible le produit.
Afficher une déclaration d’accessibilité, oui ! Mais il faudrait vérifier le contenu de celle-ci. Ce qui nous amène à un autre point bloquant quant à la prise en compte des règles de l'accessibilité.
Toutes les entreprises d'accessibilité numérique, en France, se basent sur le RGAA pour auditer les projets de leurs clients. Si les critères sont très encadrés, il reste beaucoup de subjectivité dans la validation ou non de certains. Une place est laissée au libre jugement de l’auditeur et nous pouvons donc remarquer des disparités. C’est notamment le cas des critères appelés "si pertinent" qui sont ceux où il y a le plus de latitude pour les auditeurs.
Une harmonisation pourrait être appréciée au niveau national mais aussi au niveau européen. C’est en cela que l’EAA tend à imposer des normes pour l’ensemble de l'écosystème européen.
La collaboration entre experts et l’harmonisation légale sont indispensables pour assurer un service de qualité.
Être conforme est une chose, avoir un site accessible en est une autre.
Le taux de conformité est un chiffre simple qui cache une réalité complexe : mon site peut être accessible pour certains et pas pour d’autres tout en ayant un taux élevé.
Certaines pistes seront à explorer dans les prochains mois comme par exemple :
En tant qu’expert, nous faisons beaucoup de pédagogie pour expliquer que le niveau n’est qu’un chiffre au risque de décourager les équipes qui abandonnent devant un taux trop bas.
Cependant, le taux de conformité est encore un des seuls moyens de communiquer et de motiver les entreprises à prendre en compte l’accessibilité. Il ne faut pas oublier qu’il est beaucoup plus expressif pour des décideurs que de parler de site accessible ou non.
C’est dans ce sens qu’IPEDIS a créé son offre conseil et formation. Afin de pallier les problèmes d'incohérences et de disparités pour concevoir un site universel, accessible à tous les utilisateurs. Mais aussi de transmettre les bonnes pratiques aux équipes en charge.
Au-delà de l’aspect conformité, tant au niveau technique que graphique et éditorial, nous pensons qu’il est important de partager des solutions et recommandations d’améliorations personnalisées. Le niveau requis viendra ensuite tout seul, le site pourra être conforme tout en étant accessible. Voilà le défi à relever.